Le nombre de personnes tuées dans les inondations qui ont dévasté Derna, dans le nord-est de la Libye, pourrait atteindre 20 000, a déclaré mercredi le maire de la ville. Face à la tragédie, la mobilisation internationale s'intensifie pour venir en aide aux survivants. La Commission européenne a notamment annoncé l'envoi d'aide de l'Allemagne, de la Roumanie et de la Finlande.
C'est un bilan humain qui dépasse l'entendement. Le nombre de personnes tuées dans les inondations qui ont dévasté Derna pourrait grimper à 20 000 personnes, a déclaré mercredi 13 septembre le maire de la ville, Abdoulmenam Al-Ghaithi, à la chaîne Al-Arabiya, soit 20 % de la population de cette ville de l'est de la Libye avant la catastrophe.
Les derniers bilans officiels communiqués étaient confus, variant d'un responsable à l'autre. Si le porte-parole du ministère de l'Intérieur au sein du gouvernement de l'Est a fait état mercredi de plus de 3 840 morts, le ministre lui-même, Issam Bouznigua, a parlé quelques heures plus tard de 2 794 morts à Derna et dans les autres villes de l'Est. Le ministre de la Santé, Othman Abdel Jalil, avait dit lui s'attendre lundi soir à un bilan de 10 000 morts. Les autorités ont en tout cas prévenu que ces derniers bilans pourraient nettement s'alourdir, alors que des milliers de personnes étaient toujours portées disparues.
Un responsable de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) a fait état, lui, d'un nombre "énorme" de morts qui pourraient se compter en milliers, avec 10 000 disparus.
"La plupart des victimes auraient pu être évitées", a affirmé jeudi Petteri Taalas, le patron de l'Organisation météorologique mondiale qui dépend de l'ONU, lors d'un point-presse à Genève, pointant du doigt la désorganisation liée à l'instabilité politique dont souffre la Libye depuis des années.
À Derna, frappée par la tempête Daniel dimanche, les bâtiments ont été dévastés, les ponts emportés par les eaux, des quartiers entiers sont submergés et les routes ont disparu, laissant une ville méconnaissable.
Des corps enveloppés dans des couvertures jonchent toujours ses rues et d'autres sont entassés dans des pick-up en route pour les cimetières. Depuis mardi, des cadavres ont été rejetés par une mer Méditerranée devenue aussi brune que la boue.
Les Nations unies se sont engagées à verser 10 millions de dollars (environ 9,3 millions d'euros) pour venir en aide aux survivants libyens, dont au moins 30 000 personnes se sont retrouvées sans abri à Derna. L'Union européenne a débloqué une enveloppe de 500 000 euros et le Royaume-Uni a annoncé une première aide de 1,16 million d'euros pour répondre aux besoins les plus urgents des Libyens.
Montée en puissance de l'aide humanitaire
Face à l'ampleur du drame, la mobilisation internationale s'est accélérée jeudi avec l'arrivée d'avions de transport militaire des pays du Moyen-Orient et d'Europe.
Un avion français transportant une quarantaine de sauveteurs et plusieurs tonnes de matériel sanitaire, dont un hôpital de campagne, a également été affrété.
L'Égypte va pour sa part installer des camps dans l'ouest du pays pour abriter les survivants des inondations.
La Turquie, l'un des premiers pays à se mobiliser, a annoncé qu'elle envoyait une aide supplémentaire par bateau, notamment deux hôpitaux de campagne.
L'Union européenne a indiqué mercredi que l'Allemagne, la Roumanie et la Finlande avaient envoyé de l'aide. Un navire de guerre italien devrait également se trouver au large de la Libye jeudi pour un soutien logistique et médical.
L'Algérie, le Qatar et la Tunisie se sont également engagés à apporter leur aide, tandis que les Émirats arabes unis ont envoyé deux avions transportant 150 tonnes de matériel. Les médias palestiniens ont aussi rapporté qu'une mission de secours était partie de Ramallah, en Cisjordanie occupée, et la Jordanie a envoyé un avion militaire chargé de colis alimentaires, de tentes, de couvertures et de matelas.
Le danger des munitions non explosées
Sur le terrain, les travailleurs humanitaires seront toutefois confrontés à des défis de taille.
"Les routes obstruées, détruites et inondées compromettent gravement l'accès des acteurs humanitaires", a déclaré l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), ajoutant que les pannes d'électricité et les perturbations des communications étaient généralisées.
"Les ponts sur la rivière Derna qui relient la partie orientale de la ville à l'Ouest se sont effondrés", a ajouté l'OIM.
Un responsable du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Erik Tollefsen, a également mis en garde contre le danger lié aux munitions non explosées qui ont été déplacées par les crues vers "des zones auparavant exemptes de contamination".
Cela fait courir "davantage de risques pour les survivants et les personnes chargées de l'aide humanitaire", a-t-il averti.
En Libye, plongée dans le chaos depuis la mort du dictateur Mouammar Kadhafi en 2011, deux autorités se disputent le pouvoir, l'une dans l'Est, ravagé par la tempête Daniel, et l'autre dans l'Ouest, internationalement reconnue.
Il s'agit de la pire catastrophe naturelle touchant la Cyrénaïque, province orientale de la Libye, depuis le grand tremblement de terre qui a frappé la ville d'al-Marj en 1963.
France 24 avec Reuters et AFP